jeudi 16 août 2012

Wilde Sauen : histoire de la création de la JG300

Voici quelques mois, j'ai préparé ce résumé pour accompagner la sortie de mon nouveau court-métrage concernant la création de l'escadrille des Wilde Sauen, les "truies sauvages". Ma principale source a été bien entendu la chronique de Jean-Yves Lorant, auteur du fameux Bataille dans le ciel d'Allemagne, une escadre de chasse dans la débacle (éditions Larivière), que tout amateur de la Luftwaffe séduira. Par souci de clarté, les chapitres ci-dessous sont découpés à la manière du film : Gathered 2 : Wilde Sauen.

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Les prémices



En 1939, la Royal Air Force lança une série de raids sur le territoire du Reich. Infficaces et couteux, ces raids menés avec courage par des équipages de bombardiers moyens peu armés se poursuivirent durant l’année 1940. Berlin, l’intouchable, fût atteinte des premières bombes par l’Aéronautique Navale Française dans la nuit du 7 juin 1940… Symbolique.

Il faut attendre 1941 et 1942 pour voir l’entrée en service des premiers quadrimoteurs Britanniques, Short « Stirling », Handley Page « Halifax » et Avro « Lancaster ». Ces derniers, plus modernes serviront jusqu’à la fin du conflit et même après dans d’autres forces aériennes. Ils sont dotés d’une plus grande autonomie, d’un armement défensif plus lourd, et d’une charge utile bien plus importante. Quand un Handley Page Hampden emportait 2000 tonnes de bombes, un Lancaster issu des mêmes bureaux d’études en emportait 6000.

Le 23 février 1942, le maréchal de l’Air Sir Arthur Harris, surnommé « Bomber Harris » ou « Butcher », « le boucher », prend le commandement du « Bomber Command ». Sa stratégie consiste à utiliser l’arme aérienne stratégique comme vecteur de la destruction du moral des populations Allemandes, et en particulier celle des ouvriers des grandes villes industrielles. Les quartiers sont ciblés, et dans la nuit du 30 au 31 mai 1943, Cologne est bombardé par plus de 1000 Bombardiers… Un chiffre symbolique auquel Harris tenait. Essen et Bremen sont elles aussi touchées les 1er et 25 juin suivants par 950 avions. Nous sommes loin des petites bombes de 1940 et de l’Amiot 234 d’un autre temps… 132 appareils Britanniques n’en reviennent pas.

Les Allemands ne sont qu’au début de leurs souffrances, le Blitz qu’ils ont fait subir aux Britanniques se retourne contre eux, et les villes martyres n’imaginent pas encore ce que le Maréchal Harris leur promet. D’ailleurs, dans ses mémoires, le Maréchal écrivit : « Les Nazis sont entrés dans cette guerre avec l'illusion enfantine qu'ils allaient bombarder tout le monde, mais que personne ne les bombarderait. À Rotterdam, Londres, Varsovie, et dans une cinquantaine d'autres endroits, ils ont mis leur théorie naïve en application. Qui sème le vent récolte la tempête. »

La chasse de nuit Allemande peu nombreuse est dépassée par le nombre. Bien que les bimoteurs d’assaut reconvertis en chasseurs de nuit prélèvent leur tribut, comme le Junkers 88, le Dornier 17 ou enfin le Bf-110, rien n’endigue les raids Britaniques. La Nachtjagd est bien organisée, autour du système d’Himmelbett. Les chasseurs de nuit sont regroupés au préalable dans des « cellules » reparties du Danemark à la Suisse. Chaque cellule « Himmelbett » ou « lit à baldaquin » localise grossièrement les raids avec son radar « Freya ». Si le raid traverse l’Himmelbett, les intercepteurs jusqu’alors en attente sont guidés par leurs deux radars Würzburg jusqu’à obtention du contact visuel. Cette grande ligne défensive inventée par le General Joseph Kammhuber est de plus équipée de milliers de canons de Flak et de projecteurs, sur 30 km de profondeur. Un avion bombardant l’Allemagne devra la franchir deux fois… Pourtant, la fréquence et la puissance des raids Britaniques augmentant, la ligne Kammhuber ne suffit plus. Adaptée à des raids de faible envergure menés par des appareils isolés, elle ne permet plus de faire face à la concentration de milliers d’appareils, saturant la nuit durant, une ou deux cellules Himmelbett, leurs trois radars et leur dizaines d’appareils.


Chapitre 1 : Hajo


C’est dans ce contexte qu’en 1943, les chiffres de la production de bombardiers alliés arrivent aux oreilles d’un jeune Major de la Luftwaffe, Hajo Herrmann, pilote de bombardier détenteur de la Croix de Chevalier. En 1942, 15200 multimoteur avaient été assemblés dans les iles Britaniques alors que 1700 chasseurs de nuit avaient été livrés à la Luftwaffe la même année. Dérisoire. De même, 30000 avions avaient été montés aux Etats-Unis dans le même temps contre 9300 chasseurs en Allemagne alors qu’elle se bat sur deux fronts…

L’histoire pourrait s’arrêter là. Mais non… Un moyen de rentabiliser les productions de chasseurs de jour serait de les faire voler la nuit… Herrmann expose sans succès sa théorie de la chasse de nuit sur monomoteur la première fois en novembre 1942, lors d’une réunion d’état major de la Nachtjagd. Il faut attendre mars 1943 pour que l’oberst Eschenauer, convaincu par Hajo Herrmann, mette à disposition un Fw190 sur l’aérodrome de Berlin-Staaken. Des exercices de chasses nocturnes sont menés avec un Henkeil 111. Le Major est aux commandes et l’expérience acquise l’encouragea à poursuivre, cette fois ci en présence d’un raid Britanique…


Chapitre 2 : N.J.V.K.


Une nuit d’Avril 1943, un raid de Mosquito, bombardier rapide Anglais, est annoncé par les Himmelbett. Herrmann n’a pas convaincu le General Weise commandant la Flak de cesser le tir à 6000m, mais qu’importe, ce Major intrépide s’envole depuis Staaken aux commandes d’un Focke Wulf 190 pour lancer la chasse. À distance des projecteurs, dans le secteur de Brandenburg à près de 11000m, il repère un pinceau lumineux vers l’Ouest. Un second, puis un troisième encercle un appareil. À proximité de l’intersection des faisceaux, Herrmann identifie un Mosquito, 2000m devant lui, beaucoup plus bas. Hajo pique vers lui et le ratrappe péniblement…

C’est le début d’une aventure. Le 22 mai 1943 est créé le NJVK, Nachtjagdversuchskommando à Brandenburg-Briest. Au cours des discussions sur l’altitude de tir des batteries de Flak, le General Weise qui ne veut toujours pas céder, dit à Herrmann : « Connaissez-vous au moins la quantité d’obus de Flak de tout calibre qui explosera à vos altitudes d’opération chaque nuit ? Cela se chiffre par tonnes, des centaines de tonnes à chaque raid important. Cela donne des milions d’éclats. Et vous voulez vous promener dans cet enfer ? Ce n’est plus de la chasse de nuit, c’est plutôt… » « une charge de sanglier ! » répondirent deux Oberst, Boehm Tettelbach et Ruhsert.


Chapitre 3 : Gomorrah


Un ordre de l’OKL, Oberkommando der Luftwaffe, officialise les activités des « Wilde Sauen » le 26 juin 1943. L’entraînement de celle qui sera surnommée la Jagdgeschwader « Herrmann » du nom de son Kommodore débute enfin. L’autorisation lui est donnée d’installer deux des trois Gruppen sur les terrains des unités de chasse de jour, en particulier la JG1 et la JG11. L’escadre école JG110 se spécialise dans la formation au pilotage sans visibilité sur monomoteur. Les exercices commun avec les batteries de projecteur de Berlin et quelques sorties nocturnes rôdent le dispositif au cours du mois de Juillet.

Concernant les appareils, les Messerschmitt 109 seront les avions d’arme du I et du III/JG Hermann dont certains appartiennent en propre à la JG Hermann. Les Focke Wulf 190 du Stab et du IIème Gruppe voleront le jour avec la JG1.

Le 24 Juillet 1943, la JG Hermann est déclarée prête pour les opérations de guerre…

Il est temps. Dans la nuit du 24 au 25 Juillet 1943, le Bomber Command préparé dans ce but, lance son offensive nocturne sur Hambourg. Pour garantir leur succès, ils utilisent pour la première fois le système de leurre Window, masquant les écrans radar d’échos nombreux saturant les ondes. 800 appareils se rendent sur la cible. L’opération « Gomohra » vient juste de commencer.

Les Pathfinders entrent en action. Dans un premier temps, ce sont des mosquito « Finders » qui vont illuminer la route des bombardiers afin de guider les escadrilles sur la cible. Puis, les « Illuminators » désignent les cibles à l’aide de bombes éclairantes… Enfin, les « Markers » lâchent des bombes incendiaires sur les cibles désignées et permet ainsi aux bombardiers du flux principal d’être guidés de loin par les incendies sur la ville.

C’est la première véritable sortie opérationnelle de la JG « Hermann ». Ils retourneront au combat dans la nuit du 25 au 26 contre 600 bombardiers, puis pendant celle du 27 au 28 contre 700 quadrimoteurs, et du 29 au 30 et du 2 au 3 Août…


Chapitre 4 : JG300


Ce rituel mortel se poursuit par les bombardements de la 8ème armée de l’air américaine. Succédant aux attaques nocturnes, l’US Air Force attaquera la ville de jour. Les bombes cesseront de tomber au matin du 3 Août. La ville se réveille avec la mort d’au moins 42000 personnes, 300 000 habitations détruites, 580 usines rasées, 180 000 tonnes de navire coulés. Plus de 50 victoires sont remportées par la JG « Hermann ».

Jusqu’au 16 Février 1944, date à laquelle la JG300 fit sa première sortie diurne contre un raid de la 8th US Air Force, la JG300 ne se consacrera qu’aux raids nocturnes Britanniques. Mais au cours de la guerre, la donne change. Il s’en suit une période de transition pénible au cours de laquelle les pilotes mal préparés à cela, sont engagés autant de nuit que de jour. Le 28 mai 1944, face à la pression Américaine, Hermann Göring déclare : « les magnifiques résultats de la JG300 la prédispose à constituer le fer de lance de la nouvelle aviation de chasse de jour qui va lutter contre les bombardiers terroristes américains. ».  C’est dit. Durant un temps encore, le seul IIIème gruppe consacrera une partie de ses effectifs à la chasse nocturne aux mosquito.

Au printemps 1944, un jeune aspirant de la Luftwaffe, le Fahnrich Klostermann, cousin de Pierre Clostermann, est affecté à la 300ème escadre de chasse Allemande. Mais cela est encore une autre histoire !

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